16 février 2021 l Danièle Lamarque – Présidente du Comité Carnot
Une étude de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, qui fait l’objet d’un article publié dans Le Monde, analyse le statut des suppléants des parlementaires à partir de données détaillées et inédites sur l’actuelle législature. Elle révèle des situations très disparates, et une absence d’encadrement qui soulève de nombreuses questions d’ordre politique, juridique, voire déontologique.
Dans le code électoral, le suppléant n’existe qu’au titre de sa vocation à remplacer le député dans des cas très précis de vacance temporaire (nomination au gouvernement) ou définitive (démission pour cumul de fonctions exécutives, mission de plus de six mois, décès) : une situation qui a déjà touché un dixième de l’Assemblée nationale, mais qui n’inclut pas, au contraire des pays d’Europe du Nord, les congés de maladie ou de maternité. Mais avant, et après, cette heure de gloire, quel est le statut du remplaçant, son rôle, sa fonction, ses droits ? Aucun texte ne les prévoit, et ce vide juridique ouvre la voie aux situations les plus variées, et à quelques aberrations.
Resté dans la circonscription, le suppléant a vocation à y représenter son député, mais ne dispose à cet effet d’aucun statut, aucun signe de reconnaissance: dans une cérémonie officielle, le protocole l’ignore. Tout au plus a-t-il droit, depuis peu, à des frais de mission. Cet ancrage local est évidemment plus facile lorsque les suppléants détiennent un mandat local, ce qui est le cas d’une centaine d’entre eux, mais rarement à LaREM.
Alors que 10% de sièges sont occupés par des suppléants, aucune disposition ne garantit leur éligibilité, aucun texte ne prévoit leur remplacement en cas de décès ou d’élection à une autre instance. Leur lien avec le député repose sur un contrat politique et moral. Mais si le binôme fait campagne ensemble, le suppléant fait-il pour autant allégeance politique à son député ? et si oui, pour combien de temps ? Il n’a pas le droit de se présenter contre lui ou elle à l’élection législative suivante, mais cela ne lui est pas interdit dans une élection locale. Il n’a pas l’assurance d’être choisi par son parti dans un casting local, une source de frustration dont la vie politique est coutumière, mais ne se sent pas non plus obligé de lui rester fidèle en cas de désaccord : les cas de fronde et de rupture se sont multipliés dans les deux dernières législatures.
L’étude de l’Observatoire détaille les divers tours de « passe-passe » que permet, en toute discrétion, ce vide juridique : pour sauver un siège, éviter une législative partielle ou caser sa famille. La situation des suppléants recrutés comme assistants par leur député (10% de l’Assemblée actuelle), interroge. Plusieurs voix commencent à s’élever pour réclamer un statut du suppléant ; une association s’est même créée à cet effet en 2018 (voir les interviews). Le vide juridique actuel n’est pas sain pour la démocratie : les remplaçants de députés sont partie prenante de la fonction élective, qui doit pouvoir rendre compte de son exercice auprès des citoyens qu’elle représente.